Je ne sais pas comment l’alcool est arrivé. De toutes façons, je ne veux pas le savoir. Peu importe le chemin que j’ai emprunté, le résultat est là, il se suffit à lui-même : je me suis alcoolisé. Quand on s’en aperçoit, il est trop tard.
Commence alors, la descente aux enfers. Sûrement, inexorablement. Sur quatre plans. Physique, psychique, social et professionnel.
Physiquement : on s’empâte, le visage devient bouffi, on prend du poids, beaucoup de poids.
Psychiquement : « bienvenu » dans un monde parallèle. Un monde où l’on est plus soi-même, un monde où l’on n’est plus que l’ombre de son ombre. Un monde où le désordre cérébral s’installe, où on vit dans le déni, où arrive la perte d’affection, pour soi, pour les autres, femme, enfants, famille, amis. On est persuadé que l’on est persécuté, incompris par qui que ce soit, que la terre entière nous en veut. Il ne faut pas oublier non plus, le mal que l’on peut faire à ceux qui s’en sont aperçu, et qui tentent vainement de nous venir en aide. Mais deux facteurs rendent cette aide inutile. Ceux qui veulent nous aider n’ont pas notion de l’étendu de notre mal-être, de notre souffrance. Et vu que l’on n’écoute personne, on est convaincu qu’il est possible de s’en sortir, seul, sans aucune aide extérieure. Ce qui est totalement impossible. Et chaque jour tout aussi inexorablement on va s’acheter celle que l’on espère être la dernière bouteille… jusqu’au lendemain. Le nivellement vers le bas par excellence.
Socialement : Le manque d’affection et le fait que je ne voulais écouter personne a fait qu’au final, j’ai divorcé, je n’ai plus de nouvelles de mon fils, je suis en froid avec ma fille, et j’ai perdu des amis chers.
Professionnellement : j’ai réussi à dissimuler autant que faire se peut mon alcoolisation, ce qui fait que les dégâts professionnels ont été « limités ».
Si l’alcool n’avait causé qu’un seul de ces ravages, cela aurait été un seul de trop.
La recette pour en sortir ? Un déclic. Lequel ? Chacun le sien, y’a pas de recette magique. Si ce n’est une détermination hors normes. Mon déclic à moi ? J’ai été admis aux urgences avec un taux d’alcoolémie à crever le plafond et dont j’ai honte aujourd’hui. J’étais aux portes du coma éthylique. Si je ne suis pas passé à côté de la mort, je me suis vu passer à côté d’elle. Pour la première fois de ma vie, je me suis fait peur. Après une nuit de récupération je me suis retrouvé face à un personnel hospitalier qui m’a mis face à mon état alcoolique. Je me suis retrouvé au pied du mur. Je ne pouvais plus le cacher, le dissimuler. À qui que ce soit. Et là, je me suis dit :
« PLUS JAMAIS ! »
J’ai entrepris seul les démarches pour suivre une cure de post-sevrage. Commence alors un long chemin.
S’arrêter est une étape. Rechuter est un écueil particulièrement difficile à éviter. Au sortir d’un post sevrage, il y a un triptyque OBLIGATOIRE. Suivi psychologique, suivi médical, suivi dans une association d’anciens buveur.
Question d’emphase, question de feeling, c’est à VIE LIBRE que je me suis trouvé bien. Toujours un bon mot pour réconforter quand ça ne va pas. Toujours un bon mot pour encourager à continuer. Nos épreuves, nos interrogations de nouvel abstinent sont connues de tous. Chaque expérience partagée est une aide précieuse.
Chaque réponse, chaque explication est faite de telle sorte qu’on repart plus fort, de plus belle.
Il y a un temps pour tout. Celui de la descente dans les méandres de l’alcool. Vient ensuite le temps très long du rééquilibrage de notre organisme physique et psychique. Et pour terminer, le temps de la renaissance, le temps de l’abstinence heureuse. Celui où on réalise qui on était avant et pendant l’alcoolisation. Le temps du réveil. Le temps de la culpabilisation, de la honte aussi, en repensant aux années passées. Le temps où vient le besoin de s’excuser auprès de ceux que l’on a blessé (si tant est qu’ils veuillent bien nous entendre).
Dire ici que maintenant tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, ce serait mentir. Après une décennie d’alcool, d’absence, d’amnésie, d’inconscience, et après bientôt trois années de détermination constante, à rester concentré à chaque instant à ne pas rechuter, me voilà de nouveau dans la vraie vie. Celle où je me sens à nouveau vivant. Celle dans laquelle on ne se réfugie pas derrière l’alcool face au moindre problème, à la moindre petite contrariété. Me voilà dans une vie dans laquelle je peux affronter seul, les épreuves quotidiennes de tout un chacun. Une vie où je redécouvre les petits détails que je ne voyais pas. Une vie où je peux me retrouver avec moi-même. Une vie où je retrouve une rigueur morale, un sens de l’honneur que j’avais perdu. Une vie où je veux où je peux et où je vais accomplir de belles choses. Une vie où, tôt ou tard, je retrouverai mes enfants et mes amis.